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TRANSITION ENERGETIQUE, SCENARIO NEGAWATT ET INITIATIVES CITOYENNES

Interventions sur le rôle structurant de l'énergie dans les sociétés, le scénario de transition énergétique de Négawatt et des initiatives alternatives citoyennes.
Introduction par Jacqueline Balvet
Energies d'hier et de demain : le rôle structurant de l'énergie dans les sociétés, par Guy Chauveteau
Le scénario de transition énergétique de Négawatt, par Thierry Salomon
Initiatives alternatives citoyennes, par Simon Cossus (Enercoop Languedoc) et Christian Mercier
Résumé de l'introduction faite par Jacqueline Balvet
Plusieurs transitions énergétiques sont possibles. Les scénarios de l'économie verte prônés à Rio sont basés sur la possibilité d'une croissance perpétuelle et de financiarisation des ressources (voir le livre d'Attac: « La nature n'a pas de prix »). A l'inverse, il s'agit de promouvoir des scénarios basés sur une société du bien vivre, de la sobriété et de la simplicité.
Comme l'énergie est nécessaire à toute production, il faut déterminer quelles productions nous voulons, comme le font les initiatives de villes en transition qui visent la sobriété et la relocalisation des productions. Les sociétés dites développées doivent réfléchir à la manière de réduire leur consommation ainsi que la fracture énergétique, tant au sein de leur propre population qu'entre les pays du Nord et du Sud. Les énergies de flux (soleil, éolien, hydrolique, biomasse) doivent être privilégiées par rapport aux énergies de stock, qui sont dans la terre et sont productrices de gaz à effet de serre, afin de ne pas dépasser les limites données par le GIEC (groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat).
Les scénarios de transition énergétique étaient produits principalement par des experts pétroliers et alignaient la croissance économique du pays avec la croissance de la production énergétique. Ils ont dû être réorientés avec la prise de conscience du changement climatique.
Sur le plan des énergies disponibles:
* En France le débat sur l'énergie nucléaire est impossible du fait des fausses informations données quant au coût de l'énergie produite, de celui du démantèlement des centrales, du traitement des déchets etc. Mais Fukushima a entraîné un rejet du nucléaire qui ne peut plus être raisonnablement soutenu.
* Les nouvelles exploitations de pétrole et gaz conventionnels sont à bannir du fait de l'emballement du dérèglement climatique. De même, l'exploration et l'exploitation d'énergies fossiles non conventionnelles (pétrole et gaz de schiste) ne sont pas acceptables ni en France ni ailleurs.
*La seule solution est dans les énergies renouvelables. Elles ont besoin de financements. Il faut se bagarrer pour les développer, en tenant compte de la sobriété énergétique, de la relocalisation, en produisant au plus près pour éviter les pertes et les coûts de transport, et de la réappropriation citoyenne avec une production et une distribution contrôlée par les citoyens.
Energies d'hier et de demain : le rôle structurant de l'énergie dans les sociétés.
Résumé de l'intervention de Guy Chauveteau
Enregistrement audio de 22 mn disponible plus bas en fichier attaché.
L'énergie correspond à la capacité de changer l'état de la matière. C'est un outil de travail pour tous, mais aussi un outil de pouvoir pour ceux qui s'accaparent cette énergie. Son prix dépend du marché, fort peu de sa source, et très peu de son coût: par exemple le baril issu de l'Irak et acheminé au port coûte 1 dollar le baril et est payé ici 100 dollars.
L'énergie humaine est très faible : un homme pédalant toute la journée ne récupérerait qu'1 kwh par jour, ce qui n'assurerait qu'une demi-heure de chauffage en hiver. Pour cela il suffirait de 0,1 litre de pétrole. Cependant 1 kwh est énorme du point de vue mécanique et permet de lever 360 tonnes d'un mètre.
Historiquement il existe des liens étroits entre l'énergie et l'évolution des sociétés. Dans la période préhistorique (-200 000 à -10 000), la seule énergie utilisée était celle de l'homme, qu'il prélevait par une consommation de la biomasse, sans aucune transformation. De -10 000 ans avant JC à 1800, l'homme augmente la biomasse produite par la nature avec le développement de l'agriculture et de l'élevage. De plus certains d'entre eux utilisent l'énergie d'autres êtres humains (serfs, esclaves, hommes « libres »). On assiste alors à une accumulation des richesses et une augmentation des inégalités. A partir de 1800, l'homme acquière la capacité à transformer les sources d'énergies fossiles en travail, ce qui change beaucoup les choses, d'autant plus que ces énergies sont à très bas coûts, d'où du gaspillage, leur épuisement et une explosion des inégalités. De nos jours, il sait maintenant transformer toutes les énergies, y compris les énergies diffuses comme l'énergie solaire, ces énergies renouvelables ayant un potentiel énorme (une centaine de fois ce dont on a besoin).
Les énergies fossiles sont idéales pour l'industrie et surtout pour les détenteurs de capitaux qui peuvent se les approprier: elles sont abondantes, concentrées, transformables, stockables, appropriables et ne font pas grève. Les industries ont cependant dû les diversifier pour tenir compte de leur épuisement. Mais les énergies fossiles sont 20 à 1000 fois moins chères par rapport au travail humain payé au SMIC. Le résultat est qu'on ne consomme encore quasiment que des énergies fossiles. Le nucléaire ne représente que 2%. L'énergie renouvelable la plus utilisée est la biomasse (bois énergie) avec 10,2%, les autres énergies renouvelables ne constituant que 1% de la production aujourd'hui.
Concernant les réserves, le maximum de production a été atteint pour le pétrole, le gaz, l'uranium, le charbon. La date de leur épuisement est calculée en divisant les stocks connus par la quantité consommée chaque année. Ces chiffres changent donc en fonction du niveau de la consommation, mais aussi en raison de l'augmentation du prix des énergies. Si le prix augmente, de nouvelles recherches et de nouvelles exploitations plus chères deviennent rentables : par exemple les gaz de schiste.
Les énergies renouvelables sont très abondantes: l'énergie solaire reçue représente en potentiel technique 100 fois la consommation journalière de l'ensemble du monde; l'énergie éolienne seule représente un peu plus que la consommation journalière; la biomasse intelligemment utilisée a un niveau équivalent à cette consommation. Les énergies renouvelables deviennent moins chères que l'électricité produite par l'énergie fossile et le nucléaire. Les moyens de stockage sont maintenant connus et ont des coûts acceptables. Des stations d'énergie par stockage d'eau de mer derrière des barrages près des côtes auraient des possibilités colossales. EDF utilise déjà ce principe avec les barrages pour stocker les excédents issus des centrales nucléaires. Un stockage d'une vingtaine d'heure est suffisant pour amortir les fluctuations de production d'énergie renouvelable. La méthanation peut aussi être utilisée pour les unités moyennes (transformation de l'électricité en hydrogène puis en méthane) .
Les énergies renouvelables ont des avantages énormes: sur le plan social, avec des prix modérés et des emplois créés durables, environnemental, climatique, économique par une relance de l'activité à long terme, démocratique avec un meilleur contrôle dans des unités décentralisées, géopolitique, culturel etc.
Le scénario de transition énergétique de Négawatt
Résumé de l'intervention de Thierry Salomon
Enregistrement audio de 55 mn disponible plus bas en fichier attaché.
Négawatt est une association qui comprend plus de 1000 membres en France dont 25 experts qui ont élaboré des scénarios de transition énergétique face à un changement climatique de plus en plus rude, avec des records de fonte des neiges glaciaires aux pôles, à la fin des énergies fossiles faciles et au risque nucléaire. Confronté au vide des scénarios officiels, surtout concernant la consommation d'énergie, Négawatt a conçu des scénarios en 2003, en 2006, puis en 2011, ce dernier scénario 2011-2050 étant largement plus reconnu.
L'énergie solaire fournit la quasi totalité de l'énergie sur Terre. C'est une énergie beaucoup plus abondante que celle que l'on utilise. Mais nous sommes dans une société où il y a des gaspillages énormes: l'énergie non consommée constitue un gisement immense. Il faut changer notre regard et considérer le service énergétique plutôt que la consommation énergétique, et travailler par exemple sur la conception des bâtiments plutôt que sur la climatisation.
Tous les kwh ne sont pas équivalents: certains besoins vitaux ne sont pas satisfaits, certaines utilisations sont néfastes: il faut travailler sur des échelles de régulation et accepter des obligations, des limitations et des interdictions.
La priorité doit être donnée à la réduction de la consommation en agissant sur la demande par plus de sobriété et d'efficacité énergétique:
- sobriété dimensionnelle (ex taille adaptée au contenu pour un réfrigérateur), sobriété d'usage (le niveau, la durée d'utilisation), sobriété conviviale (organisation du territoire, urbanisme)
- efficacité dans la conception des matériaux: écoconstructive (dans leur construction, leur réparation, leur recyclage), bioadaptative (leur capacité à utiliser au mieux leur environnement), rendement énergétique et efficacité de l'appareillage, efficacité du système de production d'énergie, où les pertes sont énormes actuellement.
Ensuite seulement on agit au niveau de la production d'énergies renouvelables, la France étant un des pays les plus favorisés car elle dispose des 6 grands types d'énergies renouvelables.
Le scénario Négawatt est basé volontairement sur une priorité à l'action sur la demande et aux énergies de flux avec le moins possible d'énergies de stock. Ceci a comme conséquence le non renouvellement du parc nucléaire (option de sortie maîtrisée dans le temps) et le refus de gaz de schiste. Il ne prend en compte que des techniques matures (ce qui n'est pas le cas des techniques de séquestration du carbone, de fusion nucléaire...). Ce scénario a ainsi une trajectoire robuste, dans une perspective de vrai développement soutenable. Il agrége les consommations et regarde si on peut faire avec, à partir d'une analyse comparative des différentes sources d'énergies et avec la volonté de léguer des bien-faits à ceux qui vont nous suivre. Il a été construit jusqu'en 2050 en fonction de la situation énergétique de la France en 2010. On s'aperçoit qu'il y a énormément de pertes entre l'énergie primaire et l'énergie finale, en particulier au niveau de la production d'énergie nucléaire.
Le scénario préconise des mesures:
* d'abord institutionnelles, avec la création d'une Haute autorité indépendante de la transition énergétique, car il est nécessaire d'avoir un arbitrage transparent, par exemple sur la réglementation thermique
* une gouvernance beaucoup plus territoriale
* un urbanisme ancré dans les territoires et les quartiers
Les différentes données sont mises en équations. 2 types de simulations ont été effectuées:
On évalue de manière détaillée l'énergie consommée par chaque poste et dans chaque secteur (domicile, industrie, agriculture, tertiaire) et on étudie ce qui se passe quand on introduit une nouvelle mesure ou technologie énergétique. Les consommations sont ainsi analysées annuellement jusqu'en 2050.
Parallèlement on calcule aussi les puissances nécessaires pour vérifier que l'on dispose dans l'ensemble du réseau et à chaque heure de l'énergie renouvelable nécessaire par rapport à la demande.
Il ressort des éléments phares de cette modélisation. Au niveau de la consommation, les gros chantiers concernent le bâtiment et les transports.
On sait faire au niveau des bâtiments neufs qui peuvent être très économes, voire produire plus d'énergie qu'ils en consomment. Le parc ancien nécessite des réhabilitations énergétiques en profondeur. On peut assurer le même service énergétique, voire un service un peu plus important, avec une réduction par 2 de la consommation en résidentiaire et tertiaire.
Sur le plan de la mobilité, le glissement vers des transports collectifs est intéressant mais sera limité sur le plan économique par les constructions existantes. Des petits véhicules urbains électriques en centre ville pourront être complétés par des véhicules hybrides utilisant des gaz renouvelables. Des mesures sectorielles sont prévues pour le bâtiment (sobriété et efficacité, optimisation) et les transports (redevance à la prestation sur les transports).
Ce scénario est recoupé avec le scénario After 2050 de Solagro (Toulouse): a-t-on suffisamment de terres, de matériaux biosourcés (chanvre, paille) etc. ?. La biomasse est dans ce scénario la plus grande source renouvelable en France: forêts et dérivés du bois, méthanisation à partir de fermentation, peu de biocarburants, biogaz pour les transports. La biomasse devra être fortement augmentée, les priorités pour l'affectation de terres étant l'alimentation, puis la biodiversité, les matériaux biosourcés et enfin les énergies renouvelables. Le photovoltaïque a une telle modularité qu'on pourra le répartir au mieux sur les territoires (long des routes, territoires impropres aux autres utilisations...).
Les prévisions météo sur l'ensoleillement sont maintenant suffisamment fines pour anticiper la production d'énergie solaire et travailler sur le réseau. L'équilibre de ce réseau peut être assuré par un réseau de gaz naturel, la molécule méthane pouvant être produite autrement, par biogaz, méthanation d'hydrogène par l'excès d'électricité solaire... Ce réseau de gaz peut être utilisé pour la chaleur, pour la mobilité et pour faire de l'électricité. Il permet de résoudre la question de la variabilité de production des énergies renouvelables.
La sortie du nucléaire a été analysée de façon précise avec l'hypothèse de ne pas conserver de centrale de plus de 40 ans, les risques et l'effort économique étant trop grands. Le parc nucléaire ayant énormément augmenté dans les années 80, les centrales arriveront à terme de façon assez brutale avec des effets qu'il faudra maîtriser et qui ont été étudiés: étalement, sûreté industrielle, reconversion... .
Il est prévu un avènement des renouvelables, en grande partie de la biomasse, avec une montée de l'éolien terrestre et un passage à l'éolien off shore flottant éloigné des côtes, à partir de 2020, qui pourrait constituer un grand projet industriel pour la France.
Le scénario de 2050 est complètement différent de celui de 2010, avec une chute de l'énergie fossile, du nucléaire, une utilisation de toutes les énergies renouvelables et une consommation diminuée de 60% grâce à la sobriété et l'efficacité énergétique. Le gaz naturel servirait de variable d'ajustement en cas de manque d'énergies renouvelables à un moment. Par rapport à 2010, les émissions de CO2 sont réduites par 2 en 2030 et par 16 en 2050. Les autres émissions de gaz à effet de serre, produites par l'agriculture et les émissions de méthane, seront beaucoup plus difficiles à réduire.
La compatibilité de ce scénario avec ce qu'il faudrait faire au niveau mondial a été évaluée. L'Institut de Postdam au moment de Copenhague en 2009 a fait un calcul de la quantité cumulée de CO2 qu'ils ne faudrait pas dépasser d'ici 2050 pour l'ensemble de l'humanité, d'où un potentiel d'émission de CO2 pour chaque pays. La France représente 0,75% de la population mondiale. Même avec un démarrage fort de la transition énergétique avec le président actuel, les effets de la transition ne seront peu visibles avant la fin de son mandat: c'est une des difficultés du problème. L'inflexion est longue, sur 2 générations, puis on arrive à une relative stabilisation. Dans le scénario Négawatt, la France n'empiéterait pas dans l'avenir sur les limites d'émissions de CO2. Si on ne fait rien, le quota français sera dépassé d'ici 2030.
Combien va coûter ce scénario de transition énergétique? Il est difficile de répondre puisqu'il ne s'achète pas mais :
* Quel est le coût de l'inaction ?
* Le coût des énergies renouvelable chute beaucoup plus rapidement que prévu et elles deviennent moins chères que le nucléaire, contrairement à ce qu'on nous a dit.
* Le coût du nucléaire est très incertain: Le mégawatt heure d'énergie nucléaire est estimé par EDF à 140 euros pour Angleterre, tandis qu'il est vendu en France à 42 euros du fait des coûts masqués. Il y a une montée des coûts du nucléaire en France et les nouvelles centrales sont de plus en plus chères: le coût d'un EPR a été multiplié par 2,5 depuis les premières estimations.
* Beaucoup plus d'emplois seront créés que détruits par la reconversion énergétique: 700 000 emplois d'ici 15 ans selon le scénario fait en 2006-2007 pour un baril à 80 dollars, beaucoup plus encore si le pétrole augmente à 100 dollars ou plus comme aujourd'hui.
* Quel est le juste prix de l'énergie? Un système de bonus-malus intelligent peut donner un signal à court terme, tandis qu'une contribution fiscale sur l'énergie primaire et ses externalités (son coût pour la société) donnerait un signal de long terme. Incorporé aux coûts, elle influerait sur les choix énergétiques qui sont faussés si on ne considère que le coût d'investissement et non l'entretien, la maintenance, le fonctionnement, l'énergie grise...
* Les économies sur les importations d'énergies fossiles seraient de l'ordre de 750 milliards d'euros qui pourraient être réinvestis dans la transition.
Le livre « Manifeste négawatt, réussir la transition énergétique » a été conçu pour asseoir la crédibilité de la démarche auprès des responsables et des experts. Une synthèse simplifiée paraîtra en janvier 2013. L'institut Négawatt propose aussi des formations professionnelles.
www. negawatt.fr contact@negawatt.org
Initiatives alternatives citoyennes
1/ Intervention de Simon Cossus: Enercoop Languedoc
Enercoop est né en 2005 de l'opportunité de passer à l'action avec l'ouverture du marché de l'électricité et de montrer qu'une autre façon d'appréhender l'électricité était possible. Elle a été créée par une vingtaine d'acteurs: des écologistes, des personnes qui travaillaient dans le secteur des énergies renouvelables ou celui de l'Economie sociale et solidaire. Ils se sont mis autour d'une table, suite à l'initiative de Greenpeace qui avait fait une campagne « EDF, demain j'arrête » pour proposer comme en Allemagne un fournisseur d'énergies uniquement renouvelables, avec les principes de participation et d'implication citoyenne de l'Economie sociale et solidaire.
La première initiative était de rassembler dans une coopérative des producteurs et des consommateurs. Aujourd'hui Enercoop achète son énergie à une soixantaine de producteurs d'énergies renouvelables et alimente 15 000 foyers et professionnels. L'électricité est injectée sur le réseau ordinaire et mélangée à tout le reste de l'électricité, sans que l'on sache bien ce qui s'y passe. Ce que l'on sait c'est ce qui y entre et ce qui en sort. Un consommateur d'Enercoop a la garantie que ce qu'il a payé sera bien reversé à un producteur d'énergie renouvelable. Enercoop travaille avec l'ensemble des énergies renouvelables, mais principalement avec l'hydroélectrique, énergie renouvelable la moins chère à produire pour l'instant.
Cette première étape a permis de construire ce fournisseur d'électricité et de créer le lien entre producteurs et consommateurs. Aujourd'hui il a une territorialisation du projet avec la création de 4 coopératives régionales : Champagne Ardennes, Rhône Alpes, Nord Pas de Calais et Languedoc Roussillon. 4 autres sont en cours de création : Midi Pyrénées Aquitaine Bretagne et Paca. Elles permettent de
* rapprocher producteurs et consommateurs et de créer du lien social autour de l' énergie
* de mettre en service de nouveaux moyens de production d'énergies renouvelables : création de nouveaux sites d'éolien, photovoltaïque, hydroélectrique...
* d'être copropriétaires des moyens du production qui va nous alimenter en énergie car ce sont les citoyens consommateurs qui financent les installations. Ils peuvent avoir une prise directe sur les moyens de production grâce à la création de circuits courts, un peu comme dans les AMAP pour l'agriculture. Ce choix est lié à un certain nombre de constats sur le développement des énergies renouvelables, en particulier celui du manque d'implication citoyenne. En Allemagne la moitié des éoliennes sont la propriété de coopératives d'agriculteurs ou de citoyens alors que ce n'est le cas que pour quelques unes en France sur les milliers implantées par les industriels. Pourtant il y a une forte attente des riverains qui souhaitent être impliqués dans les processus de décision.
La 2ème étape consiste à développer une offre de service pour réduire au maximum la consommation au quotidien. Certaines personnes très engagées sur ce sujet ont accumulé une mine de trucs pratiques. Enercoop pourra fournir des outils d'autodiagnostic pour permettre de surveiller sa consommation et faire soi-même des diagnostics énergétiques. Enfin elle fournit des informations de type bureau d'étude et fait de la formation auprès des écoles d'ingénieurs.
Enercoop a un statut de SCIC (Société Coopérative d'Intérêt Collectif). Elle est donc la propriété de ses salariés mais aussi les usagers, des associations, des collectivités locales, des professionnels, qui font tous partie du conseil d'administration. Cela permet de prendre des décisions collectivement avec tous les acteurs concernés, comme par exemple pour l'évolution du tarif qui est discutée par un collège de consommateurs et un collège de producteurs afin que soit préservé l'intérêt de tous les partenaires. Le prix de l'électricité est ainsi chez Enercoop un des plus chers du marché en France (15 centimes du kwh contre 12 chez EDF) tout en étant moins cher que la moyenne européenne (17) et qu'en Allemagne (25).
Enercoop est en plein développement, bénéficiant du jour au lendemain de effet déclencheur de Fukushima. Elle est dès aujourd'hui une alternative crédible pour sortir du nucléaire de manière individuelle.
Sur le terrain, Enercoop Languedoc accompagne des initiatives comme Soleil et Enercoso, qui sont des coopératives citoyennes locales. Elle travaille en bonne entente avec tous les acteurs régionaux pour se renforcer mutuellement et bénéficier de l'expérience des uns et des autres
Compléments lors du débat: L'énergie renouvelable est aujourd'hui produite en majeure partie par des grands groupes industriels. Enercoop travaille au maximum avec des producteurs indépendants. Pour 15-20% de son électricité, elle a encore un contrat avec EDF pour l'électricité d'un barrage, contrat qui ne sera pas renouvelé en décembre. La philosophie d'Enercoop est de mettre en service ses propres moyens de production de manière à ce que l'électricité soit achetée à des consommateurs sociétaires qui auront financé les installations.
Ces producteurs indépendants produisent actuellement 3 milliards de mégawatts par an: c'est déjà une réalité même si c'est peu face aux 450 milliards de mégawatts produits en France. Par exemple le projet Eoliennes en pays de Vienne est financé uniquement par des citoyens et un peu d'emprunt bancaire auprès d'organismes comme le Crédit coopératif. L'objectif est d'avoir une production électrique importante affranchie des groupes industriels. C'est pour cela qu'a été mis en place le fond d'investissement Energie partagée qui est porté par la NEF et qui vise à collecter de l'épargne citoyenne auprès du grand public pour financer ce type de projets.
2/ Intervention de Christian Mercier
Les citoyens peuvent à titre personnel ou collectif, mener des actions pour se réapproprier l'énergie. Ainsi plusieurs projets ont été mené en Languedoc, comme à Sommière à partir d'un CIVA, Centre d'initiatives pour valoriser des milieux ruraux, et d'un groupe de Territoire en transition. Une première coopérative a vu le jour en 2008 et a commencé à produire en 2010. Une deuxième est en préparation à un niveau plus important pour regrouper davantage de citoyens. Un troisième projet est plutôt orienté sur un scénario négawatt et favorise les économies d'énergie au niveau des bâtiments, le développement d'énergies renouvelables etc.
Ces initiatives ont pour intérêt de produire de l'énergie décarbonnée mais constituent aussi un laboratoire pour des groupes comme Attac qui se plaignent de ne pas élargir leur cercle. En allant sur les lieux où se créent des expériences, ils permettent de confronter notre théorie à la réalité du terrain et de faire tâche d'huile pour que nos idées imprègnent la société petit à petit. Il existe des leviers très importants dans le cadre de l'ESS (Economie Sociale et Solidaire) dont on n'use pas suffisamment. Les SCIC en particulier mettent autour de la table sur un projet commun l'ensemble des parties prenantes d'un territoire sur un problème donné, par exemple sur un projet énergétique, des citoyens, des collectivités territoriales, des associations de défense de l'environnement, des acteurs économiques. Attac a un rôle fondamental à jouer et doit s'y impliquer pour que ces initiatives ne perdent pas leur âme, qu'elles conservent leurs axes fondamentaux et ne soient pas récupérées, par exemple par des multinationales comme certaines mutuelles. Cela répondrait aussi au besoin des militants d'aller au delà de la théorie pour se nourrir et avancer.
Synthèse des autres interventions lors du débat:
* Les groupes Virage Energie sont des groupes de citoyens qui s'inspirent de la démarche négawatt. Les plus anciens sont dans le Nord Pas de Calais, puis Pays de Loire, Ile de France, Aquitaine et Centre.
* Ces scénarios sont importants car ils montrent que c'est possible mais cela ne suffit pas pour qu'ils s'imposent aux décideurs. Il faudrait rechercher ce qui pourrait enclencher des ruptures.
Attac pourrait aussi travailler au niveau des politiques européennes.
L'énergie est totalement financiarisée. Le scénario négawatt est inacceptable par les multinationales car il suppose de laisser sous terre les ¾ de l'énergie fossile: Il faut pouvoir les neutraliser.
* Pour peser, il faudrait mobiliser les masses, en partant en particulier de ce qui est fait au niveau des réseaux qui agissent à la base. Nous avons besoin d'outils de communication grand public. La tâche n'est pas facile face à 40 ans de mensonges, mais c'est le rôle d'une association d'éducation populaire comme Attac.
- Par rapport au tarif, expliquer pourquoi le prix du kilowattheure est différent entre la France et l'Allemagne
- Montrer l'importance de la rénovation énergétique pour les personnes en précarité qui ont des logements souvent mal isolés et qui se dégradent. Ils consomment beaucoup d'énergie et en même temps ont tendance à souschauffer d'où des problèmes de santé. Une fois le travail de rénovation énergétique effectué, ils consommeront moins pour un bien-être meilleur.
- Face aux chiffres donnés quant aux réserves d'énergie fossile encore existantes et qui sont certes conséquentes, argumenter par rapport au coût d'exploitation importants et au réchauffement climatique: il y a du carbone pas trop loin mais il ne faut surtout pas le renvoyer dans l’atmosphère. Il faudrait peut-être réfléchir à des mécanismes de compensation. En Equateur le président a proposé de renoncer à l'exploitation pétrolière dans une forêt d'une grande biodiversité en échange de financement pour la transition énergétique. Ce modèle est vraisemblablement contestable mais montre qu'il est possible de mettre en place de tels mécanismes de compensation des états dans le cadre d'une gouvernance mondiale.
- La notion de legs aux populations futures d'une terre à peu près en bon état permet des ouvertures: au delà du pavillon, que laissera-t-on à nos enfants en héritage?
- Insister sur la nécessité de faire vite, de ne pas se poser trop de questions et agir. Est-ce que le débat prochain sur la transition énergétique aura le courage de faire les ruptures nécessaires ?: tout sera joué dans 15 ans pour le réchauffement climatique, à moins que la sobriété énergétique ne libère certaines contraintes.
* Où sont les blocages?:
- Au niveau des réglementations : les petites installations doivent fournir des déclarations ICPE comme pour les grands groupes industriels
- Le manque d'investissements: les investisseurs sont intéressés par le court terme. A nous de placer notre argent à Energie partagée...
- Au niveau des responsables politiques et syndicaux etc.: Culture du court terme qui privilégie ce qui est montrable rapidement; scientisme: « le nucléaire est une filière d'avenir », « demain on trouvera des solutions », par exemple par la fusion nucléaire etc. alors qu'on ne sait toujours pas traiter les déchets nucléaires ou que les techniques envisagées sont hors de prix; Le point clé est l'économie : Négawatt fait un travail sur des modèles économiques classiques mais aussi sur des indicateurs nouveaux qui sont à développer, par exemple des indicateurs de résilience.
- Fort centralisme en France où la question de l'énergie est traitée par le ministère de l'industrie et non celui de la consommation. Il rend difficile des opérations territoriales. Or c'est dans les pays où il y a une appropriation territoriale beaucoup plus forte que la transition énergétique commence à porter ses fruits au niveau des landers, des régions...
- Lobbies en face qui sont très puissants et ne veulent pas nous laisser notre indépendance
- Dans notre tête: addiction forte aux énergies fossiles, passivité des consommateurs...
* Faire connaître les initiatives existantes: par exemple
- la Maison autonome, dont le propriétaire a dû se battre contre les autorités pour pouvoir se déconnecter des réseaux
- les immeubles HLM du 93 couverts de photovoltaïque ce qui à permis de baisser les charges pour les locataires
- Solagio, moteur par rapport à la biomasse
- Parallèlement aux « grands projets inutiles », on pourrait travailler sur la surconsommation de « petits objets inutiles », par exemple les brosses à dents électriques.
* Les collectivités locales ont un rôle à jouer par rapport à la mobilité, l'habitat, les questions agricoles, les productions d'électricité... Bizi! souhaite les interpeller lors de l'échéance électorale de 2014 et voudrait pour cela constituer une boîte à idée programmatique: il est preneur de ce qui peut exister en ce domaine.
-TEPOS -Territoires à énergie positive- rassemble les collectivités locales ayant agi pour réduire leur consommation énergétique et développer les énergies renouvelables. C'est une mine d'informations et de projets à soumettre aux collectivités près de chez soi.
http://www.cler.org/info/spip.php?rubrique699
- Dans le cas de l'énergie, l'étage le plus important n'est pas celui de la production mais celui des réseaux. Il faudrait qu'Attac travaille sur l'appropriation collective des réseaux. Les collectivités locales doivent reprendre la main sur les réseaux qu'elles ont concédés, ce qui ouvrirait des marges de manœuvre pour les énergies renouvelables sans que ce soit très compliqué: le réseau du gaz est déjà là en grande partie, c'est un bien collectif qu'il faut valoriser; le réseau électrique est dimensionné au niveau de la puissance nécessaire en cas de grands froids et donc surdimensionné à cause des gaspillages. En baissant la puissance, on a là aussi des marges de manœuvre pour s'adapter à beaucoup plus de moyens de production grâce des réseaux plus intelligents.
* Les énergies renouvelables sont seulement perçues par certains comme un investissement rentable. Or le prix de rachat de ces énergies est payé par tous par le biais de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) incluse dans les factures d'électricité, y compris par ceux qui sont en précarité énergétique.
- Actuellement la CSPE est payée par les petits consommateurs et bénéficie aux gros consommateurs industriels. Par ailleurs Enercoop ne peut même pas en bénéficier.
- Pendant longtemps la CSPE n'a pas servi au développement des énergies renouvelables mais au financement de la cogénération au gaz, de la péréquation territoriale et du tarif première nécessité. Elle représente 1 centime d'euro du kilowattheure sur les factures. L'accroissement du photovoltaïque va faire augmenter cette taxe à 1,5 ou 2 centimes. Il serait souhaitable de trouver un autre type de financement. Pour l'instant il n'y a rien d'autre que ce que l'on fait à Enercoop, où le consommateur paie volontairement une contribution pour les énergies renouvelables.
Pour en savoir plus:
*** Comment s'investir dans la transition énergétique?
http://www.spirale.attac.org/node/598
*** Enercoop énergie renouvelable et coopérative
http://www.spirale.attac.org/content/enercoop-energie-renouvelable-et-cooperative
Source:
Interventions lors de l'atelier sur la transition énergétique présenté à l'université d'été d'Attac 2012.
Fichier attaché | Taille |
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Enregistrement audio de l'intervention de G Chauveteau (WMA) | 4.92 Mo |
Enregistrement audio de l'intervention de T.Salomon sur le scénario négawatt (WMA) | 12.84 Mo |
- INITIATIVES:
Spirale est un site d'Attac France
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