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L'ECO-QUARTIER VAUBAN DE FRIBOURG

Le quartier Vauban de Fribourg est basé sur une mobilisation réussie il y a une trentaine d'années contre la construction d'une centrale nucléaire, réussite qui a donné du courage pour la suite et a renforcé les expériences d'énergies renouvelables pour prouver qu'il est possible de se passer d'énergie nucléaire voire d'énergie fossile.
En 1992, la base militaire a été fermée et vendue à la ville qui n'avait pas de projet pour le quartier, sinon de détruire les bâtiments qui dataient de 1937. Une opposition s'est manifestée pour conserver les bâtiments pour les personnes ayant peu de revenus. 4 bâtiments ont été occupés de manière solidaire, occupation légalisée ensuite contre un loyer. Un groupe de jeunes gens, étudiants ou allocataires sociaux a eu l'idée de rénover les 4 bâtiments et de créer leur propre espace: ils ont initié le 1er projet SUSI (Société autogéré indépendante de logement).
Une coopérative d'habitat de 300 personnes permet d'accéder à des appartements peu chers, petits mais permettant de bénéficier d'espaces communs. Ces personnes ayant peu de revenus, elles ont organisé un financement en 4 quarts: un quart de crédit sur le marché, surtout auprès de la Banque Ecologique; un 2ème quart assuré par un crédit privé à bas intérêts à l'époque (3%); un 3ème quart de subventions du fait de la création de 225 logements sociaux ou pour étudiants; un quart enfin d'économies grâce aux 105 heures de travail à effectuer pour le projet par chaque locataire (sur 3 ans). Ceci permet d'obtenir un loyer inférieur à celui des logements sociaux de Fribourg (4,80 euros par mètre carré contre 5,25 à Fribourg). Au départ, la municipalité était très septique face à ces jeunes et aux projets alternatifs qu'ils portaient. Il a fallu convaincre les élus un par un, tant les préjugés étaient grands. L'achat des bâtiments par SUSI a fini par être accepté par la municipalité, mais seulement avec 22 voix pour et 21 contre. La location des terrains au gouvernement fédéral n'a par contre pas posé de problèmes.
L'isolation des toits et des murs extérieurs des anciennes casernes permet d'avoir une consommation équivalente aux autres bâtiments basse consommation. La réglementation thermique a évolué: elle était de 110kwh de chauffage par mètre carré par an il y a 15 ans. Depuis 1992, on est passé à 65 kwh. Tous les immeubles récents ont une consommation inférieuse. Ceux à consommation passive atteignent 12 ou 15 kwh pour le même confort. En comparaison, les anciens bâtiments de la caserne consommeraient 200 à 300 kwh s'ils n'avaient pas été isolés et la moyenne de consommation de chauffage en France et en Allemagne est de 180 à 200 kwh. Par exemple, une maison passive avec 3 habitants sur 90 mètres carrés ne nécessite que 90 euros pour le chauffage par an (en 2009), soit 10 fois moins que les dépenses de chauffage habituelles.
Seuls 12 bâtiments caserne ont été conservés. 4 sont occupés par SUSI, 6 par un office de logement officiel pour étudiants, 1 contient un restaurant et un centre citoyen et culturel. Mais les autres ont été rasés malgré les protestations de SUSI: il aurait en effet été plus facile d'avoir des logements pas chers en les conservant et en les isolant plutôt que d'en construire d'autres. Leur destruction n'était pas justifiée sur le plan écologique.
Le propriétaire officiel des bâtiments de SUSI est une SARL avec 2 actionnaires:
* L'une est une association bénévole qui n'a pas le droit d'en tirer bénéfice et doit investir les revenus dans un but similaire. Elle regroupe 270 adultes et 90 enfants: elle est à la base de Vauban. Les décisions sont prises collectivement de manière démocratique. Il existe une entraide financière entre les habitants.
* L'autre actionnaire est une autre association bénévole qui a le devoir de voter contre toute vente d'une partie de SUSI.
Il existe maintenant une soixantante de projet sous ce même statut permettant au capital de rester dans le projet. Les revenus servent à payer les crédits mais ensuite ils pourront servir à lancer d'autres projets, à réduire les loyers... selon les décisions votées démocratiquement en assemblée générale où chaque membre a une voix. L'association est ouverte à tous les habitants (presque tous en sont membres) ainsi qu'à toute personne intéressée par le projet (conformément à la réglementation des associations bénévoles en Allemagne qui conditionne la réduction de taxes à un accès de tous à l'association). Le fonctionnement de l'association est transparent: tout le monde peut venir, contrôler les comptes...
Le Forum Vauban est une autre association citoyenne. Elle a géré une participation citoyenne avec la ville de Fribourg pour déterminer que faire du quartier. Les fondateurs étaient des étudiants qui ont travaillé plusieurs années sur le projet. Ils ont trouvé les financements nécessaires pour rémunérer ces études. Ils ont élaboré un dossier avec toutes leurs idées, la moitié d'entre elles ont été acceptées et réalisées par la ville. L'association a pu définir une partie des termes de l'appel à projet lancé par la ville et le projet retenu leur a globalement convenu, à l'exception de l'orientation des rues. Les parcelles ont ensuite été vendues par la ville par l'intermédiaire d'une société de développement: 400 euros par mètres carrés viabilisé et tout intégré. Pour départager les différents candidats lors d'une des phases de vente du foncier, la ville a élaboré un système de points avec l'association pour favoriser les constructions écologiques (maisons passives, matériaux écologiques, familles sans voiture...) et certaines populations (familles avec enfants, retraités...). Les maisons construites dans cette partie sont effectivement les plus ambitieuses.
L'association Forum Vauban est partie du constat qu'il y a deux groupes de personnes qui font construire leur maison. Les personnes les plus aisées font construire une maison séparée des autres, d'où un gaspillage d'énergie, avec une voiture chacun s'ils sont à la campagne. Ils n'ont pas les moyens de payer un ingénieur pour optimiser la consommation énergétique de leur maison et les architectes font comme d'habitude sans tenir compte que le prix de l'énergie a déjà été multiplié plusieurs fois dans les cinquante dernières années.
Les autres font appel à des promoteurs qui ne se soucient pas des factures de chauffage, d'où de nombreuses pertes d'énergie: radiateurs sous les fenêtres, isolation insuffisante, ponts thermiques en particulier au niveau des balcons, non désolidariés de la façade... Ils ne respectent que la législation.
Le modèle de l'association Vauban est de construire à plusieurs familles une maison sous forme de copropriété en s'interrogeant en premier lieu non sur la société qui ramassera les ordures ou entretiendra de l'ascenseur mais sur l'architecte qu'ils vont choisir. Ces coopératives d'habitants regroupent plusieurs familles qui achètent ensemble un terrain pour construire leur maison, en décidant ensemble de tous les aspects: systèmes énergétiques, équipements communs (grosses machines à laver collectives, congélateurs à la cave...) etc. Elles discutent entre elles leur projet avec l'aide d'un médiateur et de l'architecte, font les appels d'offre etc. Cette construction en commun a au moins 2 avantages: elle est bien plus proche des besoins de chacun tout en revenant 20% moins cher, ce qui absorbe le surinvestissement de 5% ou 10% liés à la technologie de la construction d'une maison passive (sans prendre en compte l'investissement pour le photovotaïque qui se calcule séparément). L'écoconstruction n'est pas seulement pour les riches!
La forme juridique est celle d'une copropriété mais en adaptant certaines règles: par exemple, ne pas prendre les décisions à l'unanimité -ce qui serait toxique pour le fonctionnement- mais à 66%, 75%... des voix. Les conflits se réglent simplement du fait de l'habitude de négocier ensemble. Si la même personne est régulièrement en désaccord avec le groupe, elle prend conscience que le problème ne vient pas du groupe mais de l'adéquation de son projet avec celui des autres, et peut alors choisir de partir. Chaque membre du groupe apporte son propre financement et reste propriétaire de son logement. Dans d'autres projets, l'argent est mis en commun dans une coopérative.
Il y a une soixantaine de projets différents au quartier Vauban. Il a été choisi de promouvoir une grande diversité d'habitants et de modes de vie, y compris un groupe de caravanes, des personnes ayant des problèmes mentaux... L'association permet de prendre collectivement les décisions importantes. Les problèmes éventuels sont réglés par le dialogue, en faisant appel si besoin à un médiateur, ce qui est facilité par le fait qu'ils aient des valeurs communes, que les appartements sont proches et ouverts permettant de nombreux contacts personnels entre les habitants...
Un autre projet, le lotissement solaire, a été réalisé par un promoteur hors du commun et un architecte qui avait milité contre le projet de centrale nucléaire. Les premiers contestataires de ce projet étaient les viticulteurs qui craignaient le retentissement des vapeurs des tours de refroidissement de la centrale sur leur production. Puis les personnes se sont informées sur les déchets, l'absence d'assurance, les dangers terroristes... Elles sont parvenus à bloquer le chantier en ressemblant 500 tracteurs de viticulteurs. Ce conflit a engendré le parti Vert et l'institut d'écologie. Il a aussi motivé un maçon-charpentier, qui est devenu architecte pour prouver que l'on peut se passer d'énergie nucléaire et d'énergie fossile. Il a réalisé une vingtaine de projets depuis 20 ans avec 3 idées simples.
* Toutes les maisons ont des capteurs photovoltaïques sur le toit avec 2 compteurs séparés pour comparer sa production et sa consommation. La surface de capteurs n'est pas limitée comme c'est le cas en France: tout le toit peut être recouvert. Les capteurs photovoltaïques produisent plus d'électricité que consommé. Le surplus est revendu au réseau, ce qui finance les dépenses pour le chauffage et la production d'eau chaude. En effet il n'est pas écologique de chauffer l'eau avec de l'électricité: l'eau chaude est produite par le réseau de chaleur alimenté pour 70% de copeaux de bois et le reste avec le système de cogénération au méthane. Ce réseau de chaleur existant déjà, il n'était pas intéressant de le mettre en concurrence avec un autre système d'énergie renouvellable tel que des capteurs solaires thermiques. Le bilan énergétique est positif.
Le système de cogénération permet de récupérer une grande partie de l'énergie produite par un moteur, une centrale etc. Dans le quartier, elle est produite à partir de gaz naturel et de copeaux de bois. La chaleur est envoyée dans des tuyaux. Mais un co générateur est plus efficace s'il est à l'intérieur des bâtiments car cela évite les pertes d'énergie dans le réseau.
* Les maisons passives ne consomment presque plus de chauffage. Une maison passive a besoin d'un triple vitrage sur tous les côtés, d'une bonne orientation au sud, d'une ventilation contrôlée double flux (pas de climatisation) et une très bonne isolation des murs extérieurs (ici, 30 à 35 cm d'isolants intégrés dans les murs).
* Les maison ont une ossature bois qui consomme beaucoup moins d'énergie grise pour la construction.
Les trajets s'effectuent, jour et nuit, été comme hiver, à 70% en vélo et le reste à pied, en transport en commun, en covoiturage, peu chers. Si nécessaire, il est possible de louer une voiture, adaptée à ce dont on a besoin ce jour là. Peu de trajets sont effectués en mobilité individuelle. Très peu de voitures sont visibles. Elles ne sont pas devant les maison pour inciter à ne pas les utiliser: les garages ont été construits en périphérie. Mais il a fallu lutter 4 ans contre l'administration en raison de l'obligation juridique de prévoir des stationnements.
Les transports en commun ne sont pas subvensionnés par la ville comme c'est le cas normalement. Le tramway a été financé par le quartier. Il s'amortit bien du fait de la densité d'habitants et d'utilisateurs, au même niveau que la vieille ville. Mais cette densité ne se ressent pas dans le quartier du fait de l'absence de voitures qui libère beaucoup d'espace. Les rues sont moins larges et il n'y a plus besoin de trottoirs. Les espaces libérés par les voitures permettent d'avoir de nombreux espaces verts. Ceci permet une qualité de vie, un silence, une absence de danger pour les enfants... qui attire de nombreuses jeunes familles: 29% des habitants ont moins de 18 ans. La vie en ville devient ainsi aussi agréable qu'à la campagne. L'avenir est à un inversement du mouvement actuel vers les campagnes et les maisons individuelles: les particuliers veulent construire une maison à la campagne pour bénéficier de la nature et de la tranquillité. Mais ils doivent alors avoir une voiture... et récréent alors à la campagne le bruit qu'ils ont fui en quittant la ville.
Sources:
- Atelier "Economie sociale et solidaire, alternatives locales et mouvement social en Europe" organisé à Fribourg lors de l'Université Européenne d'Attac en 2011
- Visite du quartier organisée à l'occasion de l'Université Européenne d'Attac en 2011. 30 000 personnes visitent chaque année le quartier, dont la moitié vient de France.
- INITIATIVES:
Spirale est un site d'Attac France
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